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Les extensions de cils sont-elles dangereuses ? Un ophtalmologue répond

Longtemps perçues comme une solution pratique pour afficher un regard intense sans effort, les extensions de cils séduisent toujours plus de femmes. Mais derrière cette apparente simplicité se cache une réalité moins glamour : sécheresse oculaire, infections, réactions allergiques, voire dommages à la cornée. Dans une tribune qu’il nous a transmise, le Dr Romain Nicolau, chirurgien ophtalmologiste spécialisé en chirurgie réfractive et de la cataracte, à Paris, alerte sur les risques liés à cette pratique pour la santé de l’œil. Pour comprendre l’ampleur du problème, identifier les véritables dangers et explorer les moyens de s’en protéger, nous avons échangé avec lui.

ELLE. Pourquoi alerter maintenant sur les dangers liés à cette pratique ?

Dr. Romain Nicolau. Avec l’avènement des réseaux sociaux, des calls d’équipe… Il semble que les extensions de cils se soient faites plus présentes. Intrinsèquement, de plus en plus de patientes viennent consulter après une pose. Ce que je vois le plus ? Des irritations face aux produits allergisants utilisés pour fixer les faux-cils.

Au bloc, sous microscope, lorsque j’opère une patiente myope qui portent des faux-cils, je désinfecte l’œil et les cils naturels s’arrachent avec les extensions, cela m’alerte. Normalement, les cils sous un simple nettoyage ne devraient pas tomber. D’autant plus qu’ils détiennent un véritable rôle barrière dans notre quotidien : ils nous protègent des corps étrangers comme la poussière, les petits insectes ou encore le pollen. La peau y est aussi très fragile, si on l’agresse la réaction peut vite se montrer gênante.

ELLE. Vous évoquez de nombreux risques liés aux extensions de cils. Parmi toutes les complications mentionnées (sécheresse, inflammation, infections, etc.), quelles sont les plus fréquentes en consultation ?

Dr. R.N. Les conjonctivites ne sont pas rares. Les patients souffrant d’un œil douloureux, accompagné de rougeur ou d’une sensation d’œil collant viennent consulter au bout de quelque jour. Mais ce que je vois aussi beaucoup est la perte des cils naturels. Le problème alors c’est que les patientes retournent faire une pose d’extensions et là, c’est le cercle vicieux.

ELLE. Quels sont les mécanismes qui conduisent à une alopécie des cils naturels avec les extensions ?

Dr. R.N. Il existe différents types d’extensions. Certaines peuvent être très lourdes pour nos cils naturels. Ils ne sont pas faits pour porter ce poids, au bout d’un moment peut le déraciner et donc le faire tomber.

À la dépose, les cils naturels peuvent venir avec également. Cela est lié à la lourdeur qui a dû le fragiliser en amont.

ELLE. Les infections oculaires liées aux extensions de cils peuvent-elles avoir des séquelles à long terme ? Pouvez-vous nous donner un exemple concret de cas que vous avez traité ?

Dr. R.N. Il y deux paramètres les infections et les inflammations. Les premières résultent de la présence d’une bactérie. Aussi, si vous avez mal, on traite avec des antibiotiques et c’est réglé. Il est donc très rare qu’il y ait des séquelles sur une infection. Je n’en ai jamais vu d’ailleurs.

En revanche, l’inflammation des paupières dues à la colle peut entraîner de la sècheresse oculaire, aussi appelée blépharite. Cela ne va pas nous faire baisser la vue, on ne devient pas aveugle mais de façon chronique, on peut avoir les yeux qui brûlent, qui piquent, une sensation de grain de sable dans l’œil…L’utilisation abusive de faux cils et de colle fragilise forcément la paupière. À partir de ce moment-là, il y a des risques.

Le risque d’irritation lié aux extensions de cils est souvent accentué par le port de lentilles de contact. Cette irritation peut endommager les glandes lacrymales, dont le bon fonctionnement est essentiel à la production de larmes. Lorsque ces glandes sont altérées, la sécheresse oculaire s’installe, ce qui irrite les paupières et réduit encore la production de larmes. Un véritable cercle vicieux se met alors en place, difficile à briser. Heureusement, les cas les plus graves restent rares, car les personnes souffrant de conjonctivite ou de kératite consultent généralement rapidement, permettant un diagnostic précoce.

ELLE. Les produits utilisés, comme les colles contenant du formaldéhyde, sont souvent pointés du doigt. Qu’est-ce qui rend ces substances particulièrement dangereuses pour les yeux ? Existe-t-il des alternatives ?

Dr. R.N. C'est un composant très allergisant qui se trouve dans la colle cyanoacrylate. Bien que je ne sois pas cosmétologue, je sais qu’il existe plusieurs types plus ou moins concentrées. Il existe une forme médicale de la version classique de la colle cyanoacrylate, moins dosée ainsi que des colles hypoallergéniques pour les personnes à risque.

Le plus alertant ces derniers mois reste l’utilisation de lampe UV dans le but de consolider les extensions plus rapidement. Ce n’est ni bon pour le professionnel ni pour la personne qui les reçoit directement, surtout si la pratique est répétée, mois après mois. Au niveau des yeux, cela peut entrainer des cataractes, des risques de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) ou encore augmenter les risques de cancer de la peau au niveau des paupières.

ELLE.Y a-t-il des catégories de personnes pour lesquelles les extensions de cils sont particulièrement déconseillées ?

Dr. R.N. Oui, les personnes allergiques. Je conseillerais de faire un test auprès d’un allergologue avant de sauter le pas des extensions de cils. Les personnes ayant les yeux secs mais aussi celles présentant des troubles cutanés tels que vitiligo, rosacée, dermite séborrhéique… La colle sur la peau fine n’est donc pas une bonne idée.

Pour les porteurs de lentilles, je déconseille leur port le jour de la pose et 48h après, le but étant de laisser les yeux respirer.

ELLE. Vous soulignez l'importance de l'hygiène et de la formation des techniciennes. Quels sont les signes qui doivent alerter une cliente lors de sa visite dans un institut ?

Dr. R.N. Un lien de confiance doit s’établir entre le client et le professionnel qualifié. Ensuite, il s’agit de faire preuve de bon sens : vérifier la formation du praticien, s’assurer de l’hygiène du salon et observer certaines pratiques essentielles. Le professionnel porte-t-il des gants ? Utilise-t-il du matériel à usage unique ? Se désinfecte-t-il les mains avec une solution hydroalcoolique ? Enfin, le port d’un masque peut également être un gage de sérieux.

ELLE. Que recommandez-vous aux femmes qui souhaitent continuer à utiliser des extensions malgré les risques ?

Dr. R.N. D’abord, il est essentiel de privilégier une utilisation modérée et ponctuelle. Idéalement, il vaut mieux espacer les poses plutôt que de les renouveler toutes les deux ou trois semaines. Ensuite, le choix du professionnel est déterminant. Il est crucial de s’assurer qu’il est qualifié et formé, et que les règles d’hygiène de son institut sont irréprochables : port de gants, utilisation de matériel à usage unique, désinfection régulière des mains, et, si nécessaire, port d’un masque. En suivant ces recommandations, les risques pour la santé oculaire peuvent être considérablement réduits.

ELLE. Vous écriviez une première tribune concernant le maquillage sur la santé des yeux. Pouvez-vous nous en dire plus ? Y a-t-il des risques à utiliser nos mascaras ?

Dr. R.N. Je vise particulière le mascara, le crayon et l’eye-liner, qui peuvent être source de réactions allergiques. Certains pigments, notamment le pigment rouge issu de la cochenille, sont plus susceptibles de provoquer des allergies. En appliquant ces produits sur les paupières, en particulier au niveau du bord libre où se trouvent les glandes de Meibomius, il existe un risque. Ces petites glandes, responsables de la sécrétion d'une fine couche de protection lipidique pour les yeux, peuvent voir leurs pores obstrués par des pigments ou de l’encre. Cela peut entraîner des irritations, une sécheresse oculaire ou des infections.

L’hygiène des produits de maquillage est également cruciale. Un crayon de maquillage conservé dans une salle de bains humide devient un terrain propice aux bactéries, surtout s’il n’est pas régulièrement taillé. Il est aussi essentiel de respecter la durée d’utilisation indiquée sur les produits. En cas de réaction allergique, il est primordial de cesser immédiatement l’utilisation du maquillage suspect. Il faut aussi éviter de se toucher les yeux avec des mains fraîchement vernies, car cela peut provoquer de l’eczéma sur des paupières. Enfin, le maquillage est un produit strictement personnel : il ne doit jamais être partagé, sous peine de transmettre des bactéries ou de déclencher des allergies.