De façon classique, dès que le vendeur et l’acquéreur trouvent un accord sur les conditions de la vente d’un bien immobilier, ils signent un contrat préparatoire, un « avant-contrat » qui scelle les obligations de chacun. Il peut s’agir d’un compromis ou d’une promesse unilatérale de vente. Bien qu’ils soient proches, ces deux avant-contrats impliquent quelques conséquences juridiques différentes. Avec une promesse de vente, si l’acquéreur renonce à l’achat (hors hypothèse du délai de rétractation de 10 jours) alors que toutes les conditions suspensives sont remplies, l’indemnité d’immobilisation qu’il a versée lors de la signature est acquise au vendeur. En d’autres termes, avec une promesse, l’acquéreur conserve son indépendance : il peut renoncer à l’achat sans se voir contraint à acquérir le bien (à la différence d’un compromis de vente). Cette liberté a toutefois un prix : celui de l’indemnité d’immobilisation (en général 5 à 10 % du prix de vente). Mais les juges considèrent que cette somme doit être restituée au bénéficiaire de la promesse lorsque son refus d’achat est légitime, plus précisément lorsque la non-réalisation de la vente est le fait du « promettant », c’est-à-dire du vendeur. Une récente décision illustre ce refus légitime d’acquérir.
Nuisances découvertes avant la vente
Dans cette affaire, M. D. et Mme L. signent le 24 novembre 2016 une promesse unilatérale de vente. Par acte authentique, M. D. s’engage à vendre à Mme L. un lot en copropriété correspondant à un appartement au 6e étage d’une superficie de près de 36 m2, au prix de 397 000 €. Mme L., en tant que bénéficiaire de la promesse, verse 19 850 € au titre de l’indemnité d’immobilisation. Avant la vente, M. D., le « promettant », autorise Mme L. à entreposer ses meubles dans le logement, ce qui lui permet de constater d’importantes nuisances sonores. Le lot qu’elle souhaitait acquérir est un appartement rénové résultant de la réunion de plusieurs anciennes chambres mansardées. À l’occasion des travaux, un faux plafond a été réalisé pour masquer une canalisation d’évacuation des WC de plusieurs lots de la copropriété. Auparavant, cette canalisation ne posait pas de difficulté car elle se situait dans le couloir, partie commune de l’immeuble. Mais depuis la rénovation, cette partie est devenue privative. Mme L. constate ainsi, avant la vente, des bruits réguliers d’écoulement d’eau ainsi que des troubles sonores liés à l’utilisation de sanibroyeurs avec pompes de relevage équipant les appartements voisins.
Refus d’acheter malgré les travaux
Elle signale les désagréments et la date de signature du contrat de vente est reportée. Le vendeur s’engage alors à réaliser des travaux. Il est procédé à un dévoiement (un changement de direction) de la canalisation litigieuse, de telle façon que celle-ci ne passe désormais plus que par les parties communes. Par ailleurs, M. D. fait isoler la pompe de relevage du studio contigu. Mais en dépit de ces modifications, Mme L. informe les notaires de la persistance des désagréments. En conséquence, elle renonce à acheter, elle restitue les clés et elle demande la restitution de l’indemnité d’immobilisation versée entre les mains du notaire.
Pour sa défense, M. D. fait valoir qu’il a entrepris des travaux et qu’il était stipulé dans la promesse qu’il s’engageait à délivrer le bien dans son état actuel. Ses arguments restent sans effet. Tour à tour, les juges d’appel en octobre 2021, puis la Cour de cassation 3 ans plus tard (cass. 3e ch. civ., 03/10/24, no 21-24.480) vont donner raison à Mme L. et ordonner la restitution de l’indemnité d’immobilisation. Ils rappellent que cette somme est restituée au bénéficiaire de la promesse lorsque la non-réalisation de la vente est le fait du « promettant ». Puis, ils constatent que M. D. ne justifie pas d’avoir fait réaliser les travaux d’insonorisation par un homme de l’art. Ils concluent donc que cet échec est imputable au seul « promettant ».
Huit ans après s’être engagée dans l’achat de l’appartement, Mme L. va pouvoir récupérer les fonds versés ainsi qu’une indemnisation de 5 000 € au titre des frais de procédure pour les jugements de première instance et d’appel et 3 000 € en cassation. En revanche, les juges décident que les demandes de dommages et intérêts des deux parties s’annulent. En effet, ils évaluent d’un côté le préjudice de Mme L. à 3 000 € comprenant le coût du diagnostic acoustique et la déconvenue de n’avoir pu acquérir le bien. Et de l’autre, celui de M. D. au même montant en raison de l’occupation des lieux durant 7 mois par la bénéficiaire de la promesse et sa résistance à la libération du logement.
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