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audiodescription : renouer avec un football perdu de vue

Dans leur course à la montée en Ligue 1 avec Bordeaux, les Messins peuvent compter sur le soutien de 25 déficients visuels bénéficiaires de l'audiodescription à domicile depuis janvier. Un dispositif inclusif impulsé par une association locale et plus qu'accompagné par le club. Immersion sonore.

"Quel geste de Mikautadze qui dribble au milieu du terrain, en zone B. Il accélère le long de la ligne de touche à l'opposé de nous. Il se rapproche de la surface de réparation au pied de la tribune Est. Il centre au sol pour Jallow. Il est seul ! But !" C'est par ces mots que l'ouverture du score messine contre Grenoble a été racontée par un trio de commentateurs à 25 déficients visuels, adultes et enfants, bénéficiaires de l'audiodescription à Saint-Symphorien.

Un phrasé spécifique, plus détaillé et situé dans l'espace qu'un commentaire radio. "Les actions restent la base, mais on ne s'attarde pas sur la tactique ou les passes ratées, précise Arno Medon, un des préposés au micro formé pour l'occasion et étudiant en information-communication à l'université, celle juste derrière le stade. On s'axe surtout sur les détails, l'ambiance et les à-côtés". Jusqu'à parler du fameux calepin de László Bölöni à un arrêt de jeu, du flocage arc-en-ciel en ce week-end dédié à la lutte contre l'homophobie ou des animations de la Horda Frénétik. À trois pour être exhaustif au possible, ils sont les yeux de ces spectateurs depuis janvier.

Dans la tribune, ce soir-là, se trouve Joachim Weyland, 39 ans. Supporter messin de longue date, son dernier souvenir de match remonte à un certain Metz-Bordeaux en 1997-1998 (victoire 4-1), confie-t-il. Pirès, Saha, Kastendeuch d'un côté et Laslandes, Papin, Micoud de l'autre. Ce samedi soir, c'est Youssef Maziz et sa clique qui l'ont fait se lever. Et vibrer. Depuis que le dispositif existe, le passionné revient à tous les matchs. "Avant, ma famille me commentait les actions, mais avec le bruit, je n'entendais pas tout, et eux perdaient le terrain de vue à chaque fois en se penchant vers mon oreille. Donc, je préférais la radio. Aujourd'hui, je revis les matchs".

"on vit le match comme des frères, sans différence"

C'est un autre Joachim, Lallement et plus jeune cette fois, qui est involontairement à la genèse du projet. Souffrant du syndrome de Morsier, le Messin de 8 ans, fan de Mbappé, vit le football sans le voir depuis sa naissance : "Il y a des codes pour avoir des repères. Comme ces quatre zones pour diviser le terrain. Je sais que la A, c'est une partie précise, que la B est à côté et mène à l'autre but". Fini le commentaire sommaire du papa, directement dans l'oreille. Et donc la voix éraillée à force de la forcer pour se faire entendre. Ce que confirme le paternel. C'est ainsi qu'il a créé, en 2019, l'association UniversJo, inspirée du partenariat entre la fondation ASA et le Standard de Liège, bien plus avancé sur la question.

Quelques matchs en Belgique pour découvrir et se faire former, puis le projet familial naît. "Soit j'attendais que quelqu'un le mette en place pour mon fils, soit je le faisais. Quitte à ce qu'il en profite, autant en faire bénéficier d'autres supporters", rembobine Olivier. Même Léon, le jumeau de la fratrie, apprécie. "On suit le match comme des frères, sans différence", sourit-il, assis côte à côte avec le frangin, portions de frites sur la table et maillot floqué du 22 avec leurs prénoms respectifs. Catherine, la grand-mère et secrétaire de l'association, qui "n'est pas foot du tout", se prend aussi au jeu "tant c'est captivant". Elle enfile souvent un casque pour suivre le match dans une salle avec vue sur la pelouse où certains déficients visuels viennent se reposer du bruit ambiant.

une oreille attentive au FC Metz

Sans présager de cette adhésion, Hélène Schrub, directrice générale du club et membre du comex de la FFF, l'espérait. La prise de contact avant le Covid n'a pu se concrétiser qu'après. Tandis que le concept existe depuis 2012 lors des grandes compétitions (Euro, Coupe du monde, etc.), quelques clubs de L1 s'y sont essayés, mais aucun en L2. "Disposer du stade en quasi-propriété nous a permis d'avoir la maîtrise d'ouvrage des travaux sur des tribunes qui dataient des années 1980 ou 2000, explique-t-elle. Ces gros chantiers ont permis d'améliorer l'accessibilité, ce qui aurait été impossible dans l'ancienne version". Une accessibilité motrice mais également dans l'accompagnement : "Malgré notre volonté, on ne peut pas imaginer totalement leurs difficultés. Cette association support permet de vite cadrer des ajustements et d'avancer dans leur intérêt".

Une manière de renforcer l'inclusion des personnes handicapées, par des petits gestes aux grands effets, s'inscrivant dans une vision plus globale des dirigeants grenat. Comme ce référent mis à disposition par le club les soirs de match pour les accompagner, ou ce comité de pilotage avec les structures locales réunies tous les deux mois afin d'améliorer les expériences au stade en dépit du handicap. Des nouveautés, d'ailleurs, intégrées au cahier des charges envoyé à la Fédé pour la candidature mosellane (acceptée) à la réception d'un match des Bleus et Bleues en 2024. D'ici là, il reste des rencontres à suivre en L2 et peut-être en L1. On a bien écouté jusqu'au bout de la soirée, personne n'a donné dans le casque le chemin à suivre pour retrouver l'élite. C'est aux joueurs de le trouver.

source : sofoot.com