
Alors que les personnes non-voyantes ont besoin de faire des repérages accompagnés avant de se lancer seules sur un itinéraire, une innovation se met en place sur la ligne du métro M2 à Lausanne. Un consortium constitué de la start-up Biped, des TL (Transports publics de la région Lausannoise) et de la PME Urbagestion développe une solution de mobilité unique au monde : le premier trajet en totale autonomie d'une personne aveugle vers une nouvelle destination.
"L'idée est de démontrer que les non-voyants peuvent se rendre à un rendez-vous sans en connaître l'itinéraire à l'avance", présente Maël Fabien. Le directeur et cofondateur de la société Biped.ai a atteint la phase industrielle de son harnais qui, grâce à ses capteurs, transmet des alertes sonores spatialisées via un petit casque. Il permet à ses usagers de déterminer la position d'obstacles. L'intelligence artificielle embarquée interprète l'environnement d'un piéton, tout en décryptant les indications du GPS.
ancrage local
La solution proposée par Biped prend petit à petit à l'étranger. Mais dans la région, Maël Fabien ne compte que deux utilisateurs. Son dispositif, baptisé Noa, est en phase d'évaluation auprès de l'assurance invalidité. Le remboursement d'un appareil valant plus de 4 000 francs suisses sera capitale pour son adoption en Suisse. En attendant, le jeune patron se réjouit de voir sa création s'ancrer avec des partenaires du coin.
L'objectif est en effet d'adapter cette invention aux conditions des transports publics et à l'intérieur des bâtiments, où le signal GPS ne passe pas. Pour les TL, il s'agit de permettre à Noa de se connecter aux informations destinées aux voyageurs et de permettre les tests en conditions réelles. "Ce système a une capacité d'apprentissage et il devra apprendre aussi à gérer une foule qu'on ne rencontre pas à l'extérieur des transports publics", se réjouit Mathieu Menet, responsable de l'innovation aux TL.
Le responsable présente des TL en pleine transition. Après avoir travaillé sur les questions d'accessibilité, ils passent à une phase "inclusive". "Notre ambition est d'offrir les conditions d'une totale autonomie à tous nos usagers, quels que soient leurs besoins spécifiques", dit-il. Mathieu Menet confie que les TL avaient déjà tenté cette expérience en 2019 : "Il manquait alors la technologie dont on dispose aujourd'hui."
initiative cantonale
Le projet baptisé NIM (Navigation Indépendante des personnes Malvoyantes) est un pas dans ce sens. La collaboration s'étend à l'entreprise Urbagestion, spécialisée dans la gestion de quartiers complexes. Elle apporte ses connaissances dans la technique des bâtiments afin de favoriser la navigation en intérieur à l'aide de plans et de capteurs de localisation.
Dans un premier temps, le parcours permettra de rejoindre un bâtiment du Biopôle en empruntant le M2, avant d'étendre le trajet vers l'EPFL. "À terme, on peut imaginer cartographier tous les bâtiments publics et les musées pour les rendre accessibles (de manière autonome) aux non-voyants."
Cette collaboration technologique entre acteurs locaux est le fruit d'une initiative cantonale, portée par Innovaud. Le programme SyNNergy est en effet destiné à favoriser l'émergence de solutions en matière de transition numérique. "Ce programme est né du constat que les PME n'ont pas toujours les ressources ou les compétences pour entamer leur transition numérique", indique Arnaud Croisier, responsable du programme chez Innovaud. Plusieurs projets sont ainsi nés de cette initiative. Dans le cas présent, la start-up, les TL et la PME bénéficient d'un coaching et d'une aide de 90 000 francs suisses couvrant la moitié des coûts.
source : 24heures.ch
© Florian Cella