Pyrénées 1910-2010
Il y a 100 ans, les Pyrénées.
Les Pyrénées et le Tour, c’est une histoire d’amour commencée il y a un siècle. La Grande Boucle qui en est à sa 8ème édition (4 737 km en 15 étapes) a certes déjà rencontré la montagne en 1905 mais, là, on franchit un cap. Henri Desgrange, le patron du Tour, redoute ces 11 cols inconnus, culminant avec le Tourmalet et ses 17 Km de pente, à 2 115 M. D’ailleurs, il a fallu qu’au printemps, Alphonse Steinès, collaborateur à "L’Auto", le journal organisateur, et déjà découvreur du Ballon d’Alsace, lui force la main et se rende sur les flancs du Tourmalet enneigé pour lui prouver que l’ascension du col serait possible. La course a rendez-vous avec son destin les 19 et 21 juillet 1910 entre Perpignan et Luchon (289 km de routes improbables hérissées de 4 cols) et, après un jour de repos, entre Luchon et Bayonne (326 km assortis de 7 cols d’enfer).
Parmi les 110 partants, des champions qui se nomment François Faber, Octave Lapize, Louis Trousselier ou Gustave Garrigou, et des seconds couteaux, d’un courage indomptable. Desgrange a pourtant peur, et quand il voit les efforts déployés par Lapize pour gagner à Luchon après avoir avalé les cols du Portel (601 m), de Port (1 249 m), du Portet d’Aspet (1 069 m), et des Ares (797 m), il quitte la course et confie les clefs à Victor Breyer.
Pas de dérailleur, des routes impossibles, peut-être des ours et des aigles, un départ à 3 heures et demie du matin, dans la nuit, de quoi frémir en effet… Lapize, qui livre à Faber, vainqueur du Tour 1909, un duel homérique dans une course qui se joue aux points, le 1er marque un point, le 2ème deux…, et non au temps, a attaqué. En tête à Peyresourde (1 569 m) et Aspin (1 489 m), il entreprend le Tourmalet sur sa machine ou à pied. Derrière, Garrigou, lui, ne descend pas de vélo.
Au sommet, il y a une centaine de mordus dont un photographe inconnu qui saisit la scène historique. Il est 7 heures. Il y a de la neige sur le bord de la route. Le dossard 4, celui du "Frisé", surnom de Lapize, arrive. Le voilà couvert de boue, machine à la main. C’est magique. Ce 3ème "calvaire" franchi, Lapize et Garrigou foncent dans la descente, attaquent Soulor (1 474 m), Tortes (1 799 m) et Aubisque (1 709 m).
L’empoignade est rude. Garrigou, tombe. Lapize, seul, est à pied. Et à bout. Breyer l’interroge. Lapize lève sur lui des yeux révulsés et répond "il y a que vous êtes des criminels ! On ne demande pas à des hommes de faire un effort pareil. J’en ai assez." Là, Breyer et Steinès devinent le désastre.
Quand, soudain, résonne une exclamation sonore : "Oui, c’est moi !" Et apparaît François Lafourcade. C’est un petit gars du coin, originaire de Lahontan. Il brûle la politesse à Lapize, lui prend 16 minutes et passe en tête au sommet. Lapize se remet en route. L’arrivée est à 175 km. Victime de la "faim vaille", Lafourcade sera repris avant Osquich (507 m) par Lapize qui s’impose à Bayonne au sprint devant Albini après 14 heures et 10 minutes de selle. Ils ont fait l’impossible ! Les 4 points que Lapize a repris à Faber dans les Pyrénées, seront essentiels à Paris où il triomphe. Lafourcade, le petit Pyrénéen, est 14ème sur 41 classés.