édito de Christian Prudhomme, directeur du Tour de France

Esprit de conquête.

Quel que soit le soin que l'on accorde à la confection du parcours, on n'écrit pas le scénario du Tour de France en dessinant une carte.

La prétention de dicter aux coureurs leur stratégie étant vaine, il m'arrive en revanche d'imaginer comment Bernard Hinault ou Eddy Merckx auraient saisi les opportunités offertes par telle ou telle étape. Dans cet exercice de vélo-fiction, il me semble qu'ils n'auraient pas traîné pour passer à l'offensive : en manœuvrant dans les rafales qui ne manqueront pas de souffler sur les 18 km de traversée de la mer Baltique peu après avoir quitté Copenhague ; en éparpillant le peloton sur les reliefs de la Côte d'Opale en route vers Calais ; ou en faisant parler leur puissance sur les pavés de Paris-Roubaix pour l'étape d'Arenberg Porte du Hainaut.

Par bonheur, le peloton d'aujourd'hui est aussi fréquenté par ce genre de morts de faim, des champions guidés par le sens du spectacle autant que par l'appel du Maillot Jaune. Tant et si bien que les frontières deviennent poreuses entre le monde des prétendants au titre et les tenants de la devise "une classique par jour". Les uns et les autres auront d'ailleurs l'occasion de se mesurer, par exemple en vue de l'arrivée de Longwy et, de façon encore plus certaine, à La Planche des Belles Filles, déclinée pour la 2ème fois dans sa version "super".

La scène est dressée pour que le combat des chefs débute sous des latitudes inédites et se poursuive en altitude, le plus tard possible. Les acteurs attendus dans les Alpes ont certainement les ressources pour faire honneur au col du Granon, perché à 2 413 m et que le Tour n'a plus visité depuis 1986, l'un des rares jours où Hinault a dû se résoudre au rôle de perdant magnifique. Tandis que le nouveau patron s'appelait LeMond. L'hommage au duo sera à nouveau au programme sur la réplique exacte du Briançon-Alpe d'Huez du lendemain… avec peu de chances de voir cette fois-ci les deux premiers du classement général franchir la ligne main dans la main. 

C'est même au coude-à-coude que l'on pourrait, pourquoi pas, voir ensuite frotter les protagonistes dans les pentes les plus raides des Pyrénées : le Mur de Péguère avant de plonger sur Foix, les derniers hectomètres sur l'altiport de Peyragudes ou l'escalade inconnue au col de Spandelles sont autant de tremplins pour des batailles rangées, des duels, des rebondissements, des revanches ! Un dernier coup de force reste envisageable sur l'imprévisible chrono final dont la ligne sera dessinée sur le promontoire de Rocamadour.

Bernard, Eddy… qu'en dites-vous ?

Christian Prudhomme, Directeur du Tour de France.